Ô toi mon amour
En amour ce qui restera éternel, c'est le souvenir des échanges et des partages.
Alors je t'écris, pour garder une trace vivante de toutes nos rencontres.
[Jacques Salomé]
Il n'appartient qu'aux grands poètes (eux seuls possèdent le don prodigieux de l'émerveillement) de toujours faire étinceler l'éclatante beauté du langage du coeur, ce malgré la guerre et le désarroi.
Guillaume Apollinaire (1880-1918) insère des poésies magnifiques et puissantes dans sa correspondance avec Louise Coligny-Châtillon, rencontrée dans une fumerie d'opium fin septembre 1914. Elle se détache très rapidement du poète qui se désespère de cet abandon et lui dédie nombre de mélancoliques poèmes. Ils ont une dernière entrevue fin mars 1915 s'accordant alors sur l'idée de prolonger par lettres leur aventure sensuelle. Son imagination débordante trouve là un nouveau terrain d'exercice conforme à cet érotisme qui est une des tendances profonde de sa nature intellectuelle.
A.
Dans sa lettre du 3 juin 1915, voici :
LOU MON ÉTOILE
L'étoile nommée Lou est aussi belle aussi voluptueuse qu'une jolie fille vicieuse
Elle est assise dans un météore agencé comme une automobile de luxe
Autour d'elle se tiennent les autres étoiles ses amies
Autour de l'automobile stellaire s'étend l'infini éthéré
Les planètes rutilantes se montrent tour à tour comme des déesses callipyges sur l'horizon
La voie Lactée monte comme une poussière derrière
Le météore automobile
Des guirlandes d'astres décorent l'infini
Le météore automobile luxueux et architectural
Comme un palais
Est monté sur un bolide énorme qui tonne à travers les cieux qu'il sillonne d'éclairs
Versicolores et durables comme de merveilleux feux de Bengale
Et doux comme des baisers éternels
Et des rayons de soleil ombragent
Ainsi de beaux arbres
Printaniers
La route diaphane
Ô Lou étoile nommée Lou la plus belle des étoiles
Ô reine des étoiles
Ton royaume s'étend en plaines animées comme les oiseaux
En plaines mouvantes comme un régiment
De fantassins nomades
Étoile Lou beau sein de neige rose
Petit nichon exquis de la douce nuit
Clitoris délectable de la brise embaumée d'Avant l'Aube
Les autres astres sont ridicules et sont les bouffons
Ils jouent pour toi des comédies
Fantasmagoriques
Ils font les fous pour l'Étoile nommée Lou ne s'embête pas
Et parfois les nuits sont mortelles
L'étoile nommée Lou
Traverse des prairies d'asphodèles
Et des fantômes infidèles
Pleuvent dans les abîmes autour d'elle
Mais cette nuit est si belle
Je ne vois que l'étoile que j'aime
Elle est la splendeur du firmament
Et je ne vois qu'elle
Elle est un petit trou charmant aux fesses des nuages
Elle est l'étoile des Étoiles
Elle est l'étoile d'Amour
Ô nuit ô nuit dure toujours ainsi
Mais voici
Les gerbes des obus en déroute
Qui me voilent
Mon étoile
Je baisse les yeux vers les ténèbres de ma forêt
Et mon intelligence amoureuse
Devient l'oiseau
Pour aller revoir plus haut plus haut
Plus haut toujours
Ce petit coeur bleuâtre
Qu'est mon étoile nommée Lou
Ma douce étoile qui fait vibrer au ciel
Des mots d'amour exquis
Qui viennent en lents airs dolents qui correspondent nuance à nuance à chaque chose que je pense
Étoile Lou fais-moi monter vers toi
Prends-moi dans ta splendeur
Que je sois ébloui et presque épouvanté
Que l'espace bleu se creuse à l'infini
Que l'horizon disparaisse
Que tous les astres grandissent
Et pour finir fais-moi pénétrer dans ton paradis
Que j'éprouve une sensation
De bien-être inouï
Que j'absorbe par toute ma chair toute mon âme
Ta lumière exquise
Ô mon paradis
Ce poème me fut dédié la nuit du treize novembre 2014 par A.
Lui mon poète
Moi sa muse
Lui ma folie
Moi sa callipyge
Lui mon âme érotique
Moi sa magnifique garce
Miss Cabotine
Correspondance entre lui et moi