Simplement moi
Citadine en mautadine !
Ça s'est produit un vendredi, j'avais 16 ans. Ce soir-là, j'ai su qu'un jour je viendrais vivre « ma vie » à Montréal. J'étais partie de Gatineau (ma ville natale) en voiture et nous traversions Montréal sans y faire d'arrêts. Tout s'est passé en quelques secondes dans ma tête. Sept ans plus tard, un nouveau départ débutait pour moi. J'avais 23 ans.
Après quelques années, me voilà passionnément montréalaise. Aurais-je pu devenir londonienne, viennoise ou havanaise? Peut-être, mais je n'en suis pas certaine. Ma ville a un petit « je ne sais quoi » d'inégalable. Puisque ce sont les personnes qui l'habitent qui font en sorte qu'elle est unique. Montréal n'est pas la plus belle de l'extérieur (je ne suis pas dupe) mais elle possède une âme et dégage une intense chaleur. Elle est si accueillante et aimante envers ces cultures différentes qui y vivent. Son ouverture d'esprit est hors du commun. Ma belle Montréal est remplie d'histoire (que trop peu de gens connaissent, malheureusement) et possède sûrement ses propres petits secrets loufoques que même moi, je ne connais pas... encore.
Sa vie culturelle est d'une richesse incommensurable. J'aime l'art de rue, la danse, le théâtre, le cinéma de répertoire, les livres et la photographie en noir et blanc. Faire de nouvelles découvertes urbaines (comme le festival de danse burlesque) me procure une douce ivresse.
Quel dynamisme cette ville, ma ville!
Un peu folle de temps à autre, mais c'est pour ça que je m'y sens bien. Cette folie trop souvent enfuie à l'intérieur de nous, qui ne demande qu'à émerger et d'être assumée.
Je pense à ma voisine qui colore ses cheveux rose, jaune et bleu. Je pense à mon autre voisine qui vient parfois prendre une bière chez moi, et ce, pour que nos chihuahuas puissent s'amuser ensemble. Je pense à mon amitié avec Cécile qui a 30 ans de plus que moi. Je pense à ce couple de québécoise/péruvien qui font le toilettage de leur chien et de leurs chats sur le trottoir... ils me font rire à chaque fois. Je pense à ma bibliothécaire qui prend le temps de me suggérer des films allemands (j'en raffole) même si la biblio est pleine de gens qui attendent son aide. Je pense à ce gars qui est monté dans l'autobus avec son sapin de Noël fraîchement acheté au marché, l'hiver dernier. Je pense à cette partie de cartes jouée avec un inconnu au parc à chiens. Mon tiroir déborde de ces petites loufoqueries. Tous ces échanges, toutes ces rencontres qui nourrissent la personne que je suis et que je serai demain. Ils me rendent toujours plus gourmande.
Hier soir, je suis descendue à la station de métro Mont-Royal, j'ai pu y lire pour la millième fois (inscrit sur le mur de briques), mon poème. Celui que je lis depuis tant d'années.
Miss Cabotine
TANGO DE MONTRÉAL
Sept heures et demie du matin métro de Montréal
c'est plein d'immigrants
ça se lève de bonne heure
ce monde-là
le vieux coeur de la ville
battrait-il donc encore
grâce à eux
ce vieux coeur usé de la ville
avec ses spasmes
ses embolies
ses souffles au coeur
et tous ses défauts
et toutes les raisons du monde qu'il aurait
de s'arrêter
de renoncer
Gérald Godin (Sarzènes, 1983)